Laisser notre nature suivre son cours

Dans le livret qui accompagne son dernier album, Abdullah IBRAHIM, l’un des plus grands pianistes de la scène jazz contemporaine, écrit ceci :

« En musique, on doit d’abord penser à ce que l’on fait, puis atteindre un point où on n’aura plus à y penser, où on laissera la nature suivre son cours. Il faut vivre dans le moment même, qui n’a ni passé ni avenir.  Ecouter nos battements de cœur, notre respiration et concentrer toute la musique en une seule note ».

Comment ne pas penser, en lisant ces lignes, à l’attitude du médiateur ?

Penser à ce que l’on fait parce que la tâche du médiateur est une activité qui requiert une réflexion éthique préalable, et donc une solide formation. Atteindre un point où l’on n’aura plus à y penser, parce que le travail du médiateur relève de l’allusif – tout au plus d’une intention, du retrait, et non pas d’une stratégie déterminée. Laisser notre nature suivre son cours, parce que tout l’art du médiateur réside dans son savoir être bien plus que dans son savoir-faire, que le maître mot de toute pratique de médiation devrait être « authenticité ».  

Vivre dans le moment même, qui n’a ni passé ni avenir, c’est être véritablement dans « l’ici et maintenant », s’accorder au moment présent plutôt que ressasser le passé de la relation afin de décrypter on ne sait quel symptôme ou se perdre en conjectures sur un avenir incertain.

Ecouter nos battements de cœur, notre respiration, c’est être à l’unisson des émotions qui s’expriment dans l’espace de médiation, c’est s’accorder avec celles et ceux qui y sont présents, en confiance, pour mieux les y accueillir. Et concentrer tout le processus en une seule parole, une parole attentive, altruiste et réconciliatrice ne représente-t-il pas l’idéal de toute médiation ? 

 

Bertrand Delcourt, Président

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