On ne lâche rien… D’où vient cette antienne que l’on entend régulièrement lorsqu‘un conflit survient ? Pourquoi cette volonté de se claquemurer dans ses certitudes, dans une conservation rigide et intransigeante de ce que l’on regarde comme des acquis non négociables ou comme des exigences vitales dont la satisfaction aurait été trop longtemps différée ? L’inamovibilité que traduit cette injonction est-elle vraiment garante des intérêts bien compris de celles et ceux qui la reprennent en cœur ?

Est-ce parce que toute concession vaudrait à leurs yeux capitulation ? En réalité, consentir une renonciation n’emporte pas renoncement sur l’essentiel mais contribue à recréer du possible. De fait, toute personne en conflit est, dans une certaine mesure, assignée au passé, prisonnière d’une vision exclusive, étriquée, des moyens de satisfaire ses besoins. Ce que la médiation offre à tout un chacun, c’est une opportunité de se libérer de ces liens qui résultent d’une sédimentation du conflit dans lequel chacun s’est embourbé, en facilitant une rencontre ici et maintenant.   

La médiation n’est pas seulement un moyen d’accéder à la façon de voir les choses de l’autre, c’est aussi un moyen d’accéder à une autre façon de voir les choses. L’expérience montre que cette vision alternative d’une réalité que l’on croyait intangible et sur laquelle on s’était construit ouvre des perspectives qui recèlent du commun et qui étaient jusqu’à lors insoupçonnées.

C’est tout l’art du médiateur que d’aider celles et ceux qu’il accompagne à entrevoir ces perspectives et à se saisir de cette liberté de s’engager dans ces voies… ou de ne rien lâcher.

Bertrand Delcourt, Président